Ca y est, bébé est là et vous avez choisi de l’allaiter.
Vous vous êtes plus ou moins renseignée sur la question et vous comptez sûrement sur les sages-femmes de votre maternité pour vous conseiller en cas de besoin.
On pense souvent (et à tort!) qu’allaiter est une évidence pour les mères qui l’ont choisi et que le geste est inné, simple et facile.
Or, nombre de mamans qui ont déjà allaité pourraient vous dire le contraire.
Et malheureusement, on ne trouve pas toujours l’aide dont on a besoin.
Il arrive donc fréquemment qu’en début d’allaitement, vous rencontriez certaines difficultés qui nuisent à votre plaisir voire compromettent votre désir de poursuivre votre allaitement dans le temps.
Parmi ces difficultés, j’aimerais aujourd’hui évoquer une des plus connues et fréquentes: les crevasses.
Qu’est-ce qu’une crevasse?
Les 3 ou 4 premiers jours après l’accouchement, les mamelons sont souvent très sensibles (à la tétée mais également au contact avec les vêtements, les soutiens-gorge, serviettes de toilette…). Cette sensibilité est normalement passagère comme elle est due aux bouleversements hormonaux.
La crevasse, quant à elle, provient d’une atteinte à la peau du mamelon: comme la peau des lèvres, celle des mamelons est très fine donc très fragile et très sensible à la déshydratation et aux légers traumatismes répétés. C’est une fissure de la peau, généralement peu profonde (mais certaines sont impressionnantes…!) et qui peut-être terriblement douloureuse.
Les crevasses surviennent généralement en début d’allaitement (au cours des deux premières semaines) et affectent en moyenne 1 femme sur 4.
Elles se traduisent par l’apparition de petites gerçures du mamelon qui devient alors rouge vif et peut même saigner au cours des tétées. De petites croûtes peuvent également apparaître. Elles peuvent être difficiles à guérir, la peau n’ayant pas nécessairement de temps de cicatriser entre 2 tétées.
A quoi sont-elles dues?
Il faut savoir que les crevasses sont dues à plus de 80% (!) à une mauvaise position du bébé au sein.
Un bébé mal positionné a de grandes chances de mal prendre le mamelon en bouche: ceci occasionne des traumatismes répétés à la peau si fragile du mamelon qui, à force, se déchire.
La position du bébé est importante mais également sa prise du sein en bouche.
Il faut donc en premier lieu s’assurer d’une parfaite position du bébé au sein dès le premier jour: son ventre doit être plaqué contre le vôtre (ou contre votre flanc si vous l’allaitez en position ballon de rugby) afin qu’il n’ait pas à tourner la tête pour attraper le mamelon. Il faut également qu’il ait la tête en arrière, le nez dégagé, la bouche grande ouverte et le menton contre votre sein.
Le bébé ne doit pas téter (voire tétouiller) le mamelon mais il doit au contraire prendre une grande « bouchée » de sein, de telle sorte que le mamelon soit bien au fond de sa bouche (l’aréole doit complètement disparaitre dans sa bouche!), contre son palais. Aidez-le en pinçant votre sein de votre main pour faire un C (ou un U).
Ne le laissez pas pendu au sein pendant des heures mais aidez-le à s’en décrocher quand vous sentez qu’il a fini de prendre du lait, en insérant votre petit doigt entre ses gencives par le coin de sa bouche.
Pensez également à varier les positions d’allaitement pour faire en sorte que ce ne soit pas toujours les mêmes zones qui soient sollicitées. De nombreuses mamans y trouvent un soulagement!
Au besoin, faites-vous aider par une auxiliaire de puéricultrice, une sage-femme bien formée à l’allaitement, voire une conseillère en lactation (coordonnées ici) qui peut même se déplacer à domicile. Les associations de soutien à l’allaitement qui, pour la plupart, possèdent des antennes régionales (voire locales) peuvent également être d’un grand secours (Leche League, Solidarilait, Lait Tendre…)
Il serait dommage que vous renonciez à votre allaitement par manque de soutien et d’informations: renseignez-vous et ne restez pas seule! Parfois, les femmes de la famille peuvent également être bonnes conseillères quand elles sont passées par là avant vous et peuvent vous faire part de leur expérience: n’hésitez pas à leur demander conseil 😉
Comment les traiter?
Evitez la majorité des pommades que l’on trouve dans le commerce pour soulager les mamelons parce qu’elles sont, pour la plupart, inutiles voire nuisibles.
Evitez les pommades qui doivent être nettoyées avant de mettre bébé au sein.
Fuyez les crèmes qui contiennent de la cortisone, des astringents ou des anesthésiques car elles peuvent être toxiques pour vous et votre bébé.
Il a été, un temps, conseillé d’appliquer un glaçon sur le mamelon avant la mise au sein pour endormir la douleur: si cette technique peut être efficace, elle en inhiberait le réflexe d’éjection ce qui ne profiterait pas à votre bébé. Sans parler, qu’à terme, la glace « brûle » la peau, ce qui entretient le problème…!
Pas d’antiseptiques en spray qui agressent la peau également!
Les crèmes peuvent aussi aggraver la situation en empêchant le bébé de bien saisir le mamelon et l’aréole.
Alors que faire? Il faut protéger la crevasse grâce à un « pansement humide » (terme utilisé en dermatologie) qui va permettre à la peau de se reconstituer et d’éviter la formation de croûtes.
4 possibilités (que vous n’avez pas besoin de nettoyer avant la tétée):
1. Le lait maternel est le meilleur cicatrisant qui soit: ne vous en privez pas! Il est naturel, gratuit, toujours à portée de main, hydratant et parfaitement antiseptique! Si appliquer une goutte sur le mamelon en fin de tétée peut suffire en préventif, en cas de crevasses, il vaut mieux avoir recours à des compresses bien inbibées que vous laisserez en place d’une tétée à l’autre et que vous remplacerez à chaque tétée.
2. Utilisez de la lanoline purifiée (en pharmacie, marque Lansinoh; Dodie en fait également une de bonne qualité et moins chère mais un peu moins efficace selon certaines mamans): faites ramollir l’équivalent d’un pois du produit entre vos doigts et appliquez-le sur le mamelon, a la surface de la peau, sans faire pénétrer. Vous pouvez mettre une compresse dessus (ou un coussinet d’allaitement, bio de préférence) pour éviter de tacher votre soutien-gorge. Essuyez le surplus s’il en reste avant la tétée. Je vous recommande d’en appliquer une très fine couche sur les mamelons après chaque tétée à titre préventif également, surtout en début d’allaitement, le temps que la peau s’habitue et « s’endurcisse ».
N.B.: Il est parfois recommandé d’appliquer à même la peau un film alimentaire par dessus la couche de lanoline: si la technique peut s’avérer efficace, personnellement, je vous la déconseille comme les phtalates et autres toxiques des cellophanes passent à travers la peau (et donc contaminent également votre lait) et, ce, d’autant plus facilement en contact avec un corps gras…
3. Il existe également une huile réputée pour son efficacité sur la cicatrisation des crevasses grâce à sa concentration en vitamine E: il s’agit de Vea-Olio. Elle colle un peu et a un certain coût de départ (même s’il n’en faut très peu à chaque fois et qu’elle dure longtemps par conséquence)
4. On trouve aussi une solution pour application cutanée à base d’oligo-éléménts spécialement formulée pour le traitement local des crevasses des mamelons des femmes qui allaitent: Oligoderm en pharmacie (et parapharmacie). Appliquez-en quelques pulvérisations après chaque tétée. Vous pouvez l’utilisez en complément des solutions précédentes.
Si vous appliquez correctement une ou plusieurs de ces astuces, vous devriez voir vos crevasses cicatriser rapidement et donc ressentir enfin un soulagement. Malgré tout, restez vigilante à la position de bébé au sein et à l’état d’hydratation de la peau de vos mamelons.
Il fut une époque où je recommandais la crème homéopathique au Castor equi, efficace et très peu chère (en pharmacie). Malheureusement, je ne suis plus en accord avec sa composition puisqu’elle est faite essentiellement à base de vaseline, un dérivé de l’industrie pétrochimique (donc peu naturel…!), qui bouches les pores de la peau et en bloque la respiration, empêchant les peau de respirer librement au risque de la dessécher…!! Sans parler de son potentiel allergisant…
Je préfère aujourd’hui vous évoquer ses inconvénients en vous laissant libre de votre choix malgré tout. Si toutefois vous souhaitez l’utiliser (pour des raisons de budget notamment), pensez à soigneusement nettoyer vos seins avant la tétée: ils ont beau prétendre que bébé peut l’ingérer, je ne vous y encourage vraiment pas, notamment pour son petit système digestif encore largement immature…
J’espère que ces solutions vous aideront à surmonter ce petit passage sensible qui entache l’allaitement de trop nombreuses mamans (voire en font même renoncer certaines à le poursuivre tellement les douleurs peuvent être vives) et (re)trouver le plaisir d’allaiter votre tout petit.
Je terminerais juste sur l’usage des « bouts de sein » en silicone. Ils sont souvent montrés du doigt par les professionnels de l’allaitement et les associations de soutien parce qu’ils empêcheraient une bonne stimulation du mamelon et donc contribueraient à diminuer la production de lait. Les bébés avaleraient beaucoup d’air et prendraient également de mauvais réflexes de succion à leur contact.
Je ne serais pas aussi catégorique: je connais de nombreuses mamans qui y ont eu recours sans problème et qui, grâce à eux, ont pu poursuivre leur allaitement, le temps de cicatriser la peau des mamelons. Je m’en suis moi-même servie lors de mon premier allaitement et ils m’ont permis d’avoir un certain soulagement à une époque où les douleurs que je ressentais à chaque tétée étaient limite (franchement?!) insoutenables. Malgré tout, je n’en recommande pas un usage sur le long terme mais juste en ponctuel. En effet, il est plus agréable pour bébé de téter directement le sein de maman qu’un embout en silicone. Et pour vous, ça reste contraignant (ne pas les oublier en déplacement, les laver, les mettre en place quand on allaite hors de chez soi…) et une fois les crevasses guéries, il faut que la peau de vos mamelons se renforce naturellement au contact de la bouche de bébé notamment si vous souhaitez poursuivre un allaitement dans la durée.
Si vous devez y avoir recours, privilégiez des bouts de sein en silicone avec une « échancrure » qui permette à bébé d’avoir son petit nez au contact direct de votre peau et de respirer la douce odeur rassurante de maman 😉
Venez partager avec nous votre propre expérience et n’hésitez pas à poser une question en commentaire au besoin 🙂